Constipation, on en parle?

Constipation, on en parle?

Un petit (ou grand) problème de transit, c’est gênant…

Publié le 06/05/2022

Mais plutôt que de vous jeter sur la boite de laxatifs ou le cageot de pruneaux, parlez-en à votre pharmacien! Il vous donnera des astuces pour aller mieux et des conseils –si nécessaire- pour un bon usage des laxatifs. Surtout, il saura vous rassurer, tout en repérant les signaux d’alarme qui nécessitent une visite chez le médecin. Vous avez tout à y gagner, comme nous l’explique Arnaud Lambert, pharmacien et spécialiste du bon usage des laxatifs.

La constipation, est-ce un problème fréquent?

Oui, c’est une plainte courante qui touche jusqu’à 27% de la population occidentale. Les femmes sont plus concernées, particulièrement lors de la grossesse qui implique des changements hormonaux et une prise éventuelle de compléments en fer. On cite aussi les jeunes enfants, lorsqu’ils apprennent la propreté, et les personnes de plus de 65 ans, grandes consommatrices de laxatifs.

Quand parler d’une constipation plutôt que d’un transit lent?

La fréquence des selles diffère d’une personne à l’autre. La fourchette habituelle est de 3 fois par jour à… 3 fois par semaine. On se plaint trop rapidement de constipation lorsque notre transit est plus lent que d’habitude, alors qu’il reste à un rythme qui n’a rien d’inquiétant! On ne parle de constipation (passagère) qu’en l’absence de selles pendant une semaine. Elle devient chronique si les épisodes sont récurrents et durent, mis bout à bout, 3 mois sur une période de 6 mois.

Est-ce inquiétant?

Dans la très grande majorité des cas, un changement dans nos habitudes suffit à rétablir le transit et il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter. Très rarement, il arrive que des selles asséchées s’accumulent dans l’intestin et forment un «bouchon», ou fécalome. Si vous souffrez de constipation depuis plus d’une semaine, accompagnée de ballonnements, de maux de ventre, de saignements à l’anus, d’épisodes alternés de diarrhée visqueuse et de constipation, de perte de poids, mieux vaut consulter votre médecin. Idem si, malgré de bonnes habitudes et la prise de laxatifs, vous ne constatez pas d’amélioration après 2 semaines.

Quelles sont ces bonnes habitudes pour un bon transit?

Buvez un litre et demi d’eau par jour, mangez des fibres et pratiquez une activité physique régulière (comme la marche). On trouve des fibres dans les fruits, les légumes et légumineuses ainsi que les céréales. Le chou, les haricots blancs, les kiwis, les lentilles (…) mais aussi le chocolat noir (70% de cacao) sont vos alliés. Ces bonnes habitudes vous aident à garder ou rétablir un bon transit. Mais ne changez pas votre alimentation du jour au ​lendemain, introduisez-y progressivement plus de fibres. Si vous êtes constipé(e), privilégiez une eau riche en magnésium. Petite astuce : placez la bouteille d’eau bien en vue et à portée de main. Cela vaut particulièrement pour les personnes âgées, qui ressentent moins la soif et oublient de s’hydrater.

Est-ce la raison pour laquelle nos aînés consomment plus de laxatifs?

Ne pas boire suffisamment a un impact sur la consistance des selles. De plus, beaucoup de personnes âgées mangent moins par manque d’appétit et voient leur transit, tout naturellement, ralenti. Elles traitent ce changement de rythme, qu’elles prennent pour de la constipation, par des laxatifs qui ne sont – dans ce cas – pas nécessaires.

Qu’en est-il des jeunes enfants?

La fréquence des selles varie aussi d’un enfant à l’autre, entre plusieurs fois par jour à tous les 3 ou 4 jours. Vers 2-3 ans, les petits sont soumis à des facteurs émotionnels et environnementaux qui chamboulent ce rythme: l’apprentissage de la propreté, l’entrée à l’école, des tensions éventuelles entre les parents, des WC trop hauts… Parfois, comme pour les aînés, la consistance des selles est affectée et le transit est ralenti, sans pour autant parler de constipation. Le lait industriel, par exemple, rend les selles plus dures. Je conseille aux parents de ne pas s’alarmer si le rythme de leur enfant change, il finira par se stabiliser vers 4 ans. S’ils s’inquiètent, qu’ils n’hésitent pas à en parler à leur pharmacien, qui saura les rassurer et conseillera éventuellement un laxatif «​doux» pour une aide ponctuelle ou une visite chez le médecin si besoin.

Des aspects psychologiques peuvent donc jouer sur le transit?

Absolument! Le stress peut perturber le transit, tout comme les facteurs environnementaux. Pensez aux voyages : vous changez vos habitudes (alimentation, cadre de vie…) et cela affecte bien souvent votre transit.

La prise de médicaments a aussi un impact?

Tout à fait. Je pense aux opioïdes et aux dérivés morphiniques, comme les antidouleurs prescrits après une chirurgie. Certains antitussifs, antihistaminiques, diurétiques et hypertenseurs peuvent constiper, tout comme certains médicaments proposés pour lutter contre les nausées liées à la grossesse. Un apport en fer constipe également. Cet effet indésirable dure le temps de la médication.

Que faire si l’on est constipé et qu’on prend des médicaments?

Si vous êtes constipé(e) ou présentez un autre changement d’état physiologique alors que vous prenez des médicaments (chroniques), pensez à vérifier auprès de votre pharmacien s’il s’agit d’un effet indésirable de votre traitement. Le cas échéant, il vous conseillera une visite chez le médecin – ou le contactera - pour une alternative.

A propos de médicament… quand passer aux laxatifs?

Si le trio «eau, fibres, activité physique» ne donne pas de résultat après 2 semaines, rendez-vous chez votre pharmacien. Il vous posera quelques questions sur vos habitudes alimentaires, votre médication, votre mode de vie, et bien sûr vos symptômes, avant de vous conseiller, si besoin, le laxatif adapté. Certains sont plus «doux​» que d’autres et agissent après 1 à 3 jours. D’autres ont un effet plus rapide (12 heures) mais sont plus irritants. Votre pharmacien vous expliquera comment et quand les prendre, ce qui vous évitera un surdosage si les effets se font attendre.

Vous ne les conseillez donc pas en automédication? On vante aussi leurs mérites pour maigrir…

Le pharmacien est là pour vous orienter vers la solution adéquate. Il attirera votre attention sur les signaux d’alarme qui nécessitent une consultation chez le médecin. Les laxatifs sont vendus sans prescription, mais comme tout médicament, ils peuvent occasionner des effets indésirables: troubles cardiaques, désordres dans l’absorption du potassium ou du sodium, ballonnements, gaz, diarrhée (…). Bon à savoir si vous êtes diabétique, ​certains laxatifs peuvent influencer la glycémie. De plus, une dépendance ​n’est pas exclue car les laxatifs dits «irritants» peuvent induire une paresse intestinale, ce qui crée un cercle vicieux. Un sevrage, avec suivi médical, est alors nécessaire. Je déconseille formellement de détourner l’usage des laxatifs pour favoriser une perte de poids : non seulement vous risquez des carences et des effets indésirables, mais aussi une dépendance.

Mieux vaut prendre des produits naturels à base de plante?

Naturel ne veut pas forcément dire bon. Certaines plantes comme le séné ou la bourdaine contiennent des dérivés anthraquinoniques, qui correspondent aux laxatifs irritants. Je pense aussi à l’aloe vera, qui peut occasionner des hépatites. Heureusement, ces effets sont réversibles mais mieux vaut demander conseil à votre pharmacien avant de prendre des compléments ou des remèdes à base de plantes.

En résumé, en cas de constipation, on en parle à son pharmacien?

Oui, ne laissez pas la constipation vous gâcher la vie alors que votre pharmacien peut vous aider​! Il vous indiquera les solutions non médicamenteuses, vous conseillera sur le bon usage des laxatifs, vérifiera les interactions médicamenteuses et les effets indésirables de vos traitements et vous orientera chez le médecin si les voyants sont au rouge. Surtout, il saura vous rassurer car bien souvent, la constipation n’est que passagère. Il ne faut vraiment pas hésiter à lui en parler!